Génétique
Morale d’ivrognes au café du commerce
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« Et, comme d’habitude, le ton a monté − le ton montait
toujours dans les bars de Belfast. La vieille recette usée : la démocratie
constitutionnelle, la liberté par la violence et les éternels droits de l’homme.
Autrefois, nous discutions de femmes nues, mais au bout de quelques années
chacun de nous a cessé de croire aux mensonges des autres. Chuckie s’est lancé
à corps perdu dans un débat éthéré sur la morale, ce que j’ai trouvé assez
cocasse pour quelqu’un d’aussi stupide que Chuckie. Je veux dire que, pour lui,
l’histoire et la politique étaient des livres posés sur les étagères, et
Chuckie ne lisait jamais.
[…]
Aucun doute
là-dessus, c’était encore une de nos soirées sans queue ni tête. Six heures à
déblatérer sur des sujets qui nous dépassaient, au prix cumulé de vingt billets
par tête. Donal et Slat rivalisaient de connerie sur la moralité et la génétique,
tandis que Chuckie mettait son grain de sel habituel de gros débile. Discuter
semblait aisé, comme si nos paroles tombaient à mesure d’un camion. Mais en
fait il était très difficile de parler. Très très dur. »
Robert McLiam Wilson, Eureka Street (1996, traduit de l’anglais
par Brice Matthieussent)