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la chair & le caillou
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16 mars 2007

Sacco ; franco

 
« Bon, on en était où ? coupe le Roi brusquement, je vais me mettre sur ce divan avec un bon plaid, ça ira bien comme ça, donnez-moi du vin chaud, apportez-moi un bout de confit sans haricots, avec des röstis, juste un petit bout, tiède, on en était où ? avec tout ça, je ne sais plus.


On parlait d’ours, dit la Duchesse.


Il y en a qui étaient pour et d’autres contre, dit une petite femme avec un bicorne sur la tête surmontée d’une grosse boule de neige.


Comment ça Contre les ours ? dit le Roi.


Les ours, ils te bouffent tout sur leur passage, dit le Duc, d’un ton sec, faut qu’on se claquemure, tous les gens qui ont des têtes de mouton vont y passer, et il y a énormément de gens qui ont des têtes de mouton.


Les ours, il paraît que c’est tous les sept ans.


N’importe comment, gueule un type chauve et rouge, un abcès bizarre à une joue, surgissant d’un énorme paravent noir, les agressions ont augmenté de 23% en un an, c’est une moyenne, d’accord, mais la moyenne ça peut arriver à tout le monde, un de ces jours on va avoir des gars qui vont débarquer, et vas-y les pieds dans la cheminée pour avoir le code, au village en bas, il paraît qu’il y a des gitans, heureusement qu’on a le village de vacances des paras à deux bornes, ça calme, d’ailleurs, j’y pense, il ne faut pas avoir de coffre, Majesté, coffre égale torture possible, un chalet, ce n’est pas aussi sécurisable qu’un bunker, ou alors on s’installe vraiment dans un bunker, on pose des cabines en béton inviolables à l’intérieur de chaque pièce, chacun la sienne avec sa réserve de vivres, ça existe, il y a des migrants partout et particulièrement à nos portes, le rasoir entre les dents, la perceuse dans l’autre main, moi je dis Danger, et j’aurai prévenu, voilà, il y a un moment où l’on a juste envie d’ouvrir son parapluie, si on a des emmerdes après, ne venez pas dire Ah je ne savais pas, il y a des millions de gens qui vont déferler sur nous, vous ne vous rendez pas compte que les choses ont changé radicalement, avouez que c’est de votre faute, ça fait mille ans que vous vous sentez coupable, et que vous baissez la garde, stop, on fait le virage à droite, maintenant, hein le Duc ? il se met à hurler, Ah, Monsieur le pacifiste ne répond pas, Monsieur est d’extrême gauche, Monsieur est copain avec Sacco et Vanzetti ? et ton pognon planqué, c’est pour les bonnes œuvres?


Ta gueule. »

 

......................................................./ Olivier Cadiot, Un nid pour quoi faire (P.O.L., 2007) /

 

« … c’est un raisonnement limite, d’accord, il le sait très bien, il n’est pas fou, mais provoquer, d’après lui, c’est bon, les gens s’énervent, on fait un démenti, ou même on laisse couler, après ça reste dans un coin des têtes, ça imprime discrètement, ça crée une langue neuve, mot à mot, et le jour où vous parlez franco, tout le monde suit, vous me direz, c’est tentant. »

     

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