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la chair & le caillou
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26 novembre 2006

La censure invisible (essai de poétique publique)

 

• référendum ≠ plébiscite

 

Ne dites pas : « l’échec du référendum sur » !

Dites plutôt : « l’échec du plébiscite pour » ou « la victoire du non au référendum sur » !  

…………………………………………………….……………..

 

La lecture de La censure invisible de Pascal Durand[1] me rappelle celle d’À quoi bon encore des poètes de Christian Prigent : un livre petit, bref, beau à tenir entre ses mains, dont le mode pourrait s’appeler celui de la fulgurance – si on voulait faire dans la joliesse. On nommerait par là un pavé dans la mare, un claquement de mains qui tienne en un sursaut la conscience en éveil − vive défense et illustration de la pensée en tant qu’elle est critique.

 

 C’est-à-dire souci du langage, de la distinction et du discernement, et aussi bien poésie – Pascal Durand, qui travaille à l’université de Liège, en Belgique, est ainsi chercheur dans les domaines des médias, de l’édition, et de la poésie française du XIXe siècle ; et n’est pas de ceux, me semble, qui se figurent qu’il y a solution de continuité, différence de nature entre la parole d’un éditorialiste d’aujourd’hui et celle de, mettons, Stéphane Mallarmé ; ni qu’il y ait des paroles bénignes sans effet pratique.

 

 Par « censure invisible » (d’après ma lecture, que je n’espère point trop insuffisante), Pascal Durand redonne du sens (critique) à ce qu’on a pu faire surgir sous le nom de « pensée unique », avant que ce syntagme ne soit ravalé − phagocyté et neutralisé par l’hydre des idées reçues, au sein même du corpus que son nom désignait. C’est dire comment, en régime de démocratie, et en l’absence de propagande, la pression idéologique s’exerce non par interdit, suppression, prélèvement des discours indésirables, mais par excès et gonflement des discours désirés ; par diffusion parfois dans la semi-conscience et à l’insu même des locuteurs, dès lors que l’examen critique baisse la garde.

 

 Il s’agit de noyer le poisson sous l’alibi de la diversité. La structuration en cours des pôles de presse et d’édition, les derniers prix Goncourt, témoignent assez de ce système de lâchées de barrage. Al Dante a le droit d’exister (ah non, c’est mort), mais faut que je finisse mon Litell, d’être un salaud comme les autres, et on verra après. C’est donc aussi rappeler qu’une démocratie réelle exige davantage que la liberté − notamment d’expression ( ou ses plus bas degrés : satisfaire ses désirs) : elle nécessite 1° évidemment la formation critique des citoyens (c’est pourquoi l’éducation peut-être l’enjeu central et pertinent d’un combat pour la démocratie, suivez mon regard), 2° une action politique délibérée, un « choix de société » régulant – et non censurant – le fonctionnement des médias, de l’édition, de la diffusion des savoirs de l’Université, pour assurer les conditions d’autonomie des idées vis-à-vis des normes du marché.

 

Pour plus de détails, je renvoie à ce petit livre qui n’interrompra qu’une heure à peine la lecture de votre Litell.

2742765050

 

P.S. : oui mais, nous dirons-nous, et internet dans tout ça ? Est-ce que ça n’est pas ça l’issue ? Voici la réponse de Pascal Durand :

 

« Le développement des médias alternatifs, sur l’Internet ou d’autres supports, représente une autre piste encore, d’autant que la presse est actuellement un pouvoir sans contre-pouvoir et que la critique des médias […] n’a accès à la sphère publique que par le filtre de ces mêmes médias. Encore faut-il bien voir − en évitant de céder aux fantasmes libertaires encouragés par tous les fétichismes technologiques, et sans oublier que les réseaux parallèles charrient le meilleur ou le pire, parfois le pire avec le meilleur − que ces médias alternatifs ne représentent, dans leur ensemble, qu’une solution de rechange, susceptible de servir d’alibi aux médias commerciaux, de la même façon qu’Arte sert en partie d’alibi culturel à France Télévision. Une réappropriation démocratique de l’information − et elle est, je crois, impérieuse − n’aurait de sens qu’à reconquérir les grands médias nationaux, « miroir » du monde au service du plus grand nombre. »

 

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• propagande ≠ idéologie

 

pour le sens de cette deuxième distinction, voyez la page 39, qu’on ne m’accuse pas d’abus de citation − mettons que les droits de l’auteur fassent partie de ces conditions d’autonomie, et que je mette pour cette fois en veilleuse mes « fantasmes libertaires ».

 


 

[1] Éditions Actes Sud, 11/2006, 50 pp., 10 €.

n.b : pour ma part, et pour des raisons contingentes, ce livre m’a été offert par l’éditeur ; comme d'autres aussi dont vous ne m'entendrez jamais parler. Et bien sûr, je prête mes livres aux amis.

 


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